Les arrêts maladie ordinaire pendant la grossesse : une analyse à l'AP-HP de 2005 à 2008 montre leur importance majeure pour les métiers pénibles

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Par Madeleine Estryn-Béhar, Émile Amar, Dominique Choudat
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Introduction : les arrêts en cours de grossesse jouent un rôle sous-estimé selon plusieurs études. Elles mettent en évidence l’existence de facteurs de risque concernant la pénibilité physique pour la survenue de contractions, d’arrêts de travail, d’hospitalisations et de prématurité. Les données obtenues sur la totalité des salariées de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) permettent d’éviter tous les biais de recueil et de déterminer l’impact potentiel d’une politique de réduction de la pénibilité physique.
Méthode : les résultats de quatre années ont pu être analysés. La base de données utilisée est PILOTE RH, application intranet restituant des informations extraites de GIPSIE qui a été jusqu’en 2008 le logiciel institutionnel de gestion des carrières de tous les agents de l’AP-HP.
Résultats : en 2008, les 3 937 femmes ayant eu un « congé de couches » (CC) ont cumulé 132 360 jours d’arrêt « maladie ordinaire » (MO) (soit 33,6 jours en moyenne) en dehors des jours de « grossesse pathologique » (GP) et des « suites de couches ». Les arrêts MO de l’ensemble des 53 132 femmes s’élèvent à 11,5 j. par agent. Mais, la mise à part des femmes ayant eu un CC réduit le nombre de jours d’arrêt à 9,7 j. Cette différence pèse pour 15,6 % du total de l’absentéisme MO. Les résultats sont similaires les quatre années.
L’analyse par grade, pour 2008, montre que le nombre moyen de jours d’arrêt pour MO, hors femmes ayant eu un CC, diminue avec la pénibilité physique des postes évaluée par l’étude PRESST-NEXT : ASH 19,9 j., AS 13,7 j., IDE 8,2 j., IDE spécialisées 7,7 j., médico-techniques 5,7 j. et cadres 5,1 j. Pour les femmes ayant eu un CC, le nombre moyen de jours d’arrêt MO, est le plus élevé pour les AS (41,9 j.) suivi par les ASH (36 j.) et les IDE (36 j.) et légèrement moins pour les IDE spécialisées (28,3 j.). Par contre, dans les métiers ayant le moins de pénibilité physique les femmes ont moins de 25 j. d’arrêt MO l’année de leur CC : médico-techniques 21,3 j., cadres 23,1 j. et administratifs 23,7 j. Les résultats sont similaires les quatre années.
Pour les IDE, c’est 25,5 % du total des arrêts MO qui sont attribuables aux femmes ayant eu une grossesse, et 34,4 % de l’ensemble arrêts MO +15 j. GP.
Discussion : une action de réduction de la pénibilité physique dans des établissements tests pourrait être menée. La réduction des jours d’arrêt en cours de grossesse peut être un indicateur rapide d’évaluation de l’efficacité des investissements.
Les améliorations bénéficieront à l’ensemble des agents, à moyen terme, avec une réduction des risques de « troubles musculo-squelettiques » (TMS) et lombalgies. Une telle action permet aussi de maintenir l’employabilité des salariés plus âgés et d’intégrer des personnes en situation de handicap dans un travail qui a pour eux un sens fort et qu’ils ne veulent pas abandonner.

Mots clés

  • arrêts maladie
  • grossesse
  • hôpital
  • charge physique
  • prévention
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