Pratiques évaluatives en formation infirmière et compétences professionnelles
Dans un monde où tout est en perpétuel mouvement, l’impact des facteurs d’évolution est particulièrement prégnant dans le monde de la santé. Dispenser des soins infirmiers aujourd’hui est devenu de plus en plus complexe. En effet, confronté à différentes logiques souvent mises en tension, l’infirmier doit développer des compétences professionnelles qui tiennent compte, tout à la fois, de l’évolutivité de la demande sanitaire des populations et du contexte toujours plus contraignant des politiques de santé.
Par ailleurs, le développement de la validation des acquis par l’expérience (VAE) d’une part, et l’intégration du système licence/Master/Doctorat (LMD) d’autre part, sont deux formidables opportunités pour offrir aux programmes d’études un visage nouveau. Construits dans une logique de compétences, articulant enseignement universitaire et formation professionnelle, le dispositif de formation devra privilégier la co-construction des connaissances théoriques, des capacités, des habiletés et des compétences. Cette conception didactique nécessite une approche par les situations. Cela consiste à répertorier les familles de situations prévalentes auxquelles le futur professionnel devra faire face, puis à identifier les compétences générales et spécifiques requises pour répondre à ces situations. Une telle conception, sous-tendue par un courant socioconstructiviste, se substitue à la traditionnelle pédagogie par objectifs, plus souvent régie par des exigences béhavioristes. L’architecture du concept de compétence élaborée d’après les travaux de Philippe JONNAERT montre que la situation est à la fois le point de départ de la compétence et le principal critère pour évaluer cette compétence.
Reste alors une question fondamentale : celle de l’évaluation des compétences. Conséquemment, un programme centré sur les compétences professionnelles implique en amont l’identification des situations, des connaissances théoriques associées et des capacités à visée professionnelle que l’on souhaite faire apprendre, et que l’on devra évaluer. Des pratiques évaluatives centrées sur les compétences ne peuvent plus se réduire à un seul contrôle de connaissances ou vérification d’acquisition de gestes techniques. L’évaluation doit alors être pensée en terme de processus, de démarche, et non plus en seuls termes de procédures, méthodes et outils.
Les questions autour de l’évaluation sont aujourd’hui au cœur des débats tant dans le domaine de l’éducation et de la formation que dans celui de la sociologie du travail. Pour autant, bon nombre de problématiques évaluatives ne sont pas résolues. Les recherches en sciences de l’éducation devraient permettre de mieux cerner et opérationnaliser les concepts d’évaluation et de compétence.
Un état des travaux réalisés depuis les années 90 montre que l’activité évaluative réinterrogée par la recherche en sciences de l’éducation se préoccupe moins des mesures et des résultats obtenus que de son fonctionnement et de son rôle. Les enseignants chercheurs s’intéressent de plus en plus aux effets que produit l’activité évaluative sur l’apprentissage et le développement des compétences professionnelles. Il s’agit alors d’évaluer l’activité évaluative : quelles questions peut-on poser à l’évaluation elle-même ?
À l’aube de la réforme des études des professionnels de santé, dictée par la nécessaire harmonisation européenne, quelle place tiennent les compétences professionnelles dans l’actuel dispositif de formation en soins infirmiers ? Comment et dans quelle mesure sont-elles évaluées ? Une illustration à partir d’une recherche en cours éclairera sur les enjeux actuels de l’activité évaluative en formation infirmière, et tentera d’apporter quelques éléments de réponses aux questions récurrentes que se posent les formateurs sur la possibilité ou non d’évaluer des compétences.